02/08: Þorsmörk (la Þronga)

Publié le par bigfoot

La Þronga est la première rivière que l'on traverse qund on quitte Þorsmörk vers le nord.

Je ne la connais pas en temps normal. Je l'ai croisée en 2009 sous la tempête. Ne connaissant pas encore la Markarfljot, j'avais crû qu'il s'agissait de ce monstre tellement elle était forte. Ok, je m'étais bien trompé.

Dans la soirée de cette même journée j'avais retrouvé à Emstrur des jeunes qui y'avaient frôlé le drame, une des filles étant emportée dans les flots (faut dire qu'ils avaient potentialisé aussi, voir récit 2009 pour les erreurs à ne pas commetre en traversant un gué).

 

Bon, c'est donc cette rivière que je veux découvrir vers sa source. Ah, sacré Mika qui m'instille ce genre d'idées farfelues dans le cerveau et qui ne demandent qu'à germer.

Armé de ma magnifique carte au 1/50000°, à l'assaut du secteur!!! Banzaï!!!

on aura vite compris que c'est pas possible à l'aplomb de mon campement de la veille en rive gauche.

Surtout qu'il a un petit col bien sympa un peu plus bas mais déjà par rapport aux plans initiaux gribouillés sur la carte, je suis trop bas. 

Mais j'ai pas le choix. Comme je le pensais la veille, il faut fonctionner pas à pas, uniquement en visuel.

Au petit col bucolique s'ouvre la vue vers les montagnes de Þorsmörk.

A droite, la pointue, c'est Rjupnafell, objectif du jour. J'y dormirai au pied.

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A la descente du col, je tombe aussitôt dans un ravin très encaissé. Il me suffira de le franchir pour rejoindre les rebords de la Þronga.

Magnifique ravin très très tourmenté. Là, j'ai pas un choix excessif pour traverser. Soit je n'ose pas affronter la pente et je redescends benoîtement le long du torrent vers le laugavegur, soit je prends mon courage à deux mains et j'affronte la pente. Il me semble que le passage même si démoniaque ne devrait pas être trop difficile.

Le tout quand on est un peu impressionné par le vide est de procéder par étapes et de rejoindre des terrasses successives. Ainsi, même si la hauteur et la raideur sont effrayantes, ça me permet d'éviter le gaz.

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Voilà, ça c'est fait... next stage...

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La crête... tranquille que je me dis... et la Þronga à gauche...

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Sauf que... Même si j'ai jamais mis les pieds ici, ça me parait bien faiblard pour être la Þronga... Et puis d'abord, où il est le glacier qui donne naissance à la rivière.

Moi, je dis qu'y a un loup...

Je sors la carte... Ben non, y'a qu'un torrent entre la Ljosa et la Þronga.

Je sors le gps... Ben oui, y'a un loup, c'est pas la Þronga, elle est à 500 mètres d'après le bidule.

C'est quoi ce bordel alors??? J'aime pas, mais alors j'aime pas du tout ce genre d'anicroche.

Je sais que c'est pas la Þronga, c'est sûr, obligé... Mais alors c'est quoi??? Y'a même pas une rupture de pente donnée par la carte, et rupture de pente, je vous assure qu'il y'a. Alors déjà que le terrain est compliqué, si la carte est nase, je suis pas dans la mouise.

Heureusement qu'il fait beau, sinon, je suis cuit...

Lecture de la carte au 1/100000°. Ah ben oui, y'a un second ravin avant la Þronga... Bon donc pour résumer, plus l'échelle est petite, plus y'a des détails... Normal quoi!!! Tout va bien... Cartographie de merde...

 

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Pour traverser, même principe que précédemment... Serrer les fesses, monter à quatre pattes en visant des replats relatifs successifs. cette journée s'annonce sous ses meilleurs hospices. 

J'la sens pas, mais alors pas du tout. Ca sent la galère totale.

Ok, les paysages sont d'anthologie.

Bon, là je préfère, ça ressemble à la Þronga, lit large, rivière glaciaire, le glacier Merkurjökull au fond et un putain de canyon sublimissime...

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Alors celui là pour le traverser... Bah, j'avais de toutes façons pas l'intention de le tenter ici.

Mais quel endroit impressionnant. D'ailleurs, on va avoir un problème de vocabulaire à partir de maintenant. Pour les deux prochains jours, tout va être impressionnant et exceptionnel... Un truc de dingue... Des paysages fascinants, des progressions très compliquées. Des rivières de psychopathe, des ravins et des rochers hallucinés.

Alors bon, si je me répète ne m'en tenez rigueur. Je vais toutefois essayer d'etre le plus coruscant possible (tout ça pour glisser mon nouveau mot préféré).

Ca va être beaucoup plus simple de rester sagement sur cette rive. En arrivant à Rjupnafell la pointue, il sera temps de réfléchir au moyen de passer (Mika m'a donné un plan...). Au pire, j'irai jusqu'au laugavegur, mais alors vraiment au pire... Quoique vous allez voir que j'ai réussi à faire moins pire que si ça avait été pire mais patience.

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J'ai pris des dizaines de photos de ce canyon. Bien sûr, je n'en mettrai qu'une petite sélection arbitraire.

Le chemin est désormais simple dans l'ensemble, il suffit de suivre la très large crête.

Où que l'on promène le regard, on tombe sur des formations rocheuses exceptionnelles (ça commence dans la répétition).

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Le seul obstacle notable se voit à un km de là. Au fond la plaien de la Markarfljot et le Tindfjallajökull (j'en ai marre de celui là cette année). Qu'est ce que ce ravin est profond.

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Exceptionnel... The big régalade... Et plus j'approche de Rjupnafell, plus c'est beau.

Evidemment, je vois pas trop de solution pour traverser.

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Quand le vert s'y ajoute, c'est pas mal.

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Le contraste est saisissant avec l'autre côté de la crête.

et ces formations rocheuses arrondies qui rivalisent d'originalité. Je m'amuse régulièrement à marcher sur le fil des rochers.

Un truc aussi assez marrant, c'est la quantité de roches trouées que l'on rencontre. Et à ça j'y suis particulièrement sensible. Je ne crois pas qu'on puisse parler de tafoni comme en Corse qui sont formés dans les grès ou le granite.

Le mode de formation est sans doute différent dans le basalte. Ad, si tu pouvais éclairer ma lanterne quant à la toponymie à utiliser.

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En attendant, continuons à admirer les tafoni islandais et autres bizarreries.

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En voilà un spécial, le troll de scream, cuilà, il est autre que flippant.

Heureusement que je crois pas aux fantômes.

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Des dizaines de photos... Admirable...

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Une chose de sûre en regardant en arrière, j'ai pas loipé de passage potentiel. Ca ne passe pas...

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Et dire que dans les premiers temps j'avais imaginé de remonter ici sur le glacier... C'est c'làààà, ouiiiiii!!!!

T'avais le droit d'y croire.

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La confluence entre la Þronga et Mogil juste sous Rjupnafell.

Là mes yeux commencent à chercher un truc pour traverser. Il y'a une belle brèche dans le ravin en face. c'est peut être là qu'il faut tenter.

Notez la face gauche de Rjupnafell, on va y rire cinq minutes demain.

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Alors, de mon côté, c'est impossible de descendre et puis de toutes façons en avançant un tout petit peu, je vois vite que c'est impossible de progresser bien loin dans le ravin.

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En revanche, de l'autre côté de Rjupnafell, côté ouest, on dirait qu'il y'a du potentiel. Comme d'hab, le problème c'est de descendre, et puis faudra voir aussi la gueule de la Þronga qui risque à forcir au fur et à mesure de cette journée ensoleillée.

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Ca se confirme que dans ce petit ravin, ça doit pouvoir passer. Tu remontes un peu dans le lit et quand les pentes s'adoucissent en rive gauche, tu t'y glisses sans flemme et t'as gagné, t'es de l'autre côté... cqfd...

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Y'a plus qu'à descendre au bord de l'eau.

Là, je vous jure que ça marche pas.

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A un moment, à peu près à hauteur du ravin visé en face, un petit vallon s'ouvre sur ma crête vers la Þronga. C'est l'occase pour descendre. D'ailleurs pour la première fois depuis hier aprèm, je vois une série de traces de pas s'y engager.

Alors je ne sais pas pourquoi mais à mi descente, je l'ai pas senti le passage. Y'a des trucs des fois qui se passent dans ma tête. Après analyse, je crois que ça me gonflait de suivre un passage indiqué par Mika (car c'est de ce passage qu'il m'avait causé en buvant notre capuccino à Reykjavik) et de marcher dans les traces d'autres. J'avais envie, je crois d'être le découvreur du passage (du nord-ouest).

Alors me voici remonté sur la crête et reparti vers l'ouest. Il va maintenant falloir se bouger le fion pour traverser avant le laugavegur, parce là, niveau aventure sinon, ça va faire tache sur le cv.

Devant moi sur l'autre rive, une pente douce finit au bord de l'eau... et de mon côté des langues descendent aussi vers la rivière. Ben on va faire là, même si c'est moins pittoresque que le passage de Mika.

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Et je me dirige donc vers un nouvel échec... celle là de pente douce... Elle finit en une falaise de 20 mètres au-dessus de la rivière. Ca ne le fait pas du tout.

Remonter une nouvelle fois sur la crête et chercher, toujours chercher, faire semblant d'être un aventurier.

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En face pour moi, c'est clair, je sais par où je vais monter. 

Il me faut trouver sur ma rive. Tout à coup une idée débile germe comme un haricot géant dans un dessin animé.

Il y'a des arbres un peu plus loin dans la pente du ravin. le bosquet m'a l'air plus que dense. il suffit de m'y faufiler, me laisser glisser d'arbre en arbre comme un écureuil jusqu'en bas et le tour est joué.

Des idées crétines dans ma vie j'en ai eues quelques unes, mais celle là... Si j'étais descendu avec un ami, plus jamais il ne m'aurait adressé la parole... Si j'avais été guide, les clients auraient porté plainte auprès de l'agence.

Cette descente... quelle histoire, j'aurais dû la filmer... Niveau vue, ça aurait évidemment pas donné grand chose.

Mais alors ambiance, pas loin de l'amazonie... Ou plutôt ambiance traversée de maquis corse. Pour les heureux qui ont eu l'impudence de se frotter aux aulnes de la moyenne montagne corse, c'est à peu près ça.

Quand tu sors de ce passage, tu n'as plus le moindre parasite sur toi. Adieu tiques, puces et autre vermine. c'est d'ailleurs ce que font les chasseurs corses avec leurs chiens pour les nettoyer parait il.

La différence, c'est qu'ici c'est un poil plus haut, que la pente est d'une raideur impraticable en terrain normal, et que le sol est complètement défoncé sous la mousse du sol.

A part ça tout baigne... Donc je ne marche que sur les branches que j'utilise comme les barreaux d'une échelle. Je me tiens aux branchages pour conserver l'équilibre. 

Ma plus grande peur est de me casser une jambe si je glisse et que je me coince le tibia dans le lacis des branches, emporté par le poids de mon sac à dos.

Ca griffe, ça fait mal aux jambes, j'ai fait la connerie de rester en short. Mes avants-bras sont en sang, le pollen de ces saloperies de bouleau me colle au visage et me pique les yeux. Les petites plaies me brûlent avec cette sève gluante qui se colle dessus.

Plusieurs fois, la pente est telle qu'il y'a des toutes petites falaises entre les arbres, ce qui m'oblige à descendre sur le sol et risque de me vautrer dans un trou caché sous la mousse puis de me mettre à plat ventre pour désescalader ces sales passages. 

Il est hors de question maintenant d'abandonner et de remonter. il y'a moins de 100 mètres à descendre. Ca fait tout juste un quart d'heure que je me suis jeté dans l'enfer vert. Dire enfer vert en Islande, ça doit vraiment être une première.

Et bien voilà, c'était super simple en fait, tranquillou billou... Je ne prends pas le temps de me reposer et de récupérer. Je suis sur ma lancée. il faut que je traverse la Þronga tant que je suis chaud.

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Je m'aperçois très vite que j'ai fait une erreur qtratégique en descendant ici.

La Þronga fait un virage juste à l'endroit où je suis descendu provoquant un resserrement important du lit, ce qui implique une augmentation du débit  et de la profondeur de la rivière.

Alors la photo rend pas, mais c'est là un moment d'angoisse. Ca parait engagé comme traversée. L'eau n'est pas grise comme d'habitude mais marron.

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Cette traversée est épouvantable. L'eau est très froide, le courant très violent mais le lit heureusement pas aussi profond que je le redoutais. En plus je dois marcher dans le sens du courant ce qui est un facteur aggravant au risque de chute.

Je suis bien content d'en finir avec cette épreuve.

Je savoure une longue pause maintenant en regardant le passage de débile que je viens de m'offrir.

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La remontée sur ma petite crête est super facile hotmis le spremiers mètres rongés par la Þronga.

En prenant un peu de hauteur, je regarde encore une fois mon point de traversée. 

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C'est bien plus cool quand on ne regarde plus le ravin comme un obstacle à franchir.

Le truc pas cool, c'est le brouillard qui commence à tomber.

Parmi les dégats collatéraux de mon dernier exploit, je m'aprçois que ma carte au 1/50000 a disparu. Faut dire aussi que je l'avais juste fourrée dans la poche de mon short. Si ça c'est pas un acte volontaire inconscient pour paumer cette carte minable... Oui mais bon, mon itinéraire était tracé dessus avec tous mes points gps.

Heureusement que j'ai bonne mémoire et que je devrais me rappeler de l'emplacemetn des waypoints sur la carte au 1/100000°.

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La remontée est un peu longue pour rejoindre le pied de Rjupnafell.

J'ai la chance de croiser des oiseaux sympas. Ca faisait un moment que je n'avais pas vu de lagopèdes.

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Au pied de Rjupnafell, la montagne est complètement prise dans le brouillard. Qu'à cela ne tienne, j'y monte par le beau sentier ici présent et balisé et ensuite au gps de l'autre côté je continue jusqu'à la prochaine rivière où je plante la tente.

Enfin, dans mes rêves...

Monter le long du sentier dans le brouillard est déja spectaculaire. C'est impressionnant de ne pas voir la fin de la pente au fond du ravin à cause du brouillard. Tout en bas la Þronga gronde.

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Même avec le sentier, j'ai par moments des doutes sur le chemin à suivre.

Au sommet, le sentier s'arrête net. Je décide de descendre donc comme prévu avec l'aide de mon gps, sachant au fond de moi que c'est une connerie sans nom d'autant plus je sais mes points gps un peu aléatoires puisque je les ai pris sur une carte à la fiabilité plus que douteuse, en fait une carte foireuse.

Je descends une bonne centaine de mètres avant de me rendre compte que je vais me casser la gueule si je continue. La pente est de plus en plus raide. C'est de l'inconscience totale. Ca fait longtemps que je n'ai pas pris de décision aussi irréfléchie, voire dangereuse.

Tout à l'heure, c'était débile mais pas mortel, hormis le risque de se faire mal. Là, si je dévisse, c'est cuit...

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Je remonte donc au jugé au sommet, ce qui est pas compliqué puisqu'il suffit de toujours monter. Quand tu montes plus c'est que t'es en haut.

 

J'échaffaude déjà plein de plans de rechange quand je redescends pour aller au pied du Krossarjökull demain.

En attendant, il me faut trouver de l'eau pour camper ce soir. C'est à partir de là que je pourrai envisager des plans b plus précis.

Je marche un bon moment sur le sentier qui ramène vers Þorsmörk, m'éloignat d'autant plus vers l'ouest de mes objectifs de demain.

N'empêche que je tombe sur un site magnifique.

Camper dans ce méandre va pas être trop moche.

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Je regarde le rjupnafell moqueur (me semble t-il). Les pentes de l'autre côté étaient vraiment dantesques. j'ai bien fait de dire stop.

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Et puis je suis très très bien ici.

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J'aurais pu m'abstenir de monter au sommet avec ce brouillard. Ca m'aurait permis de mieux explorer les parages autour de mon bivouac et profiter un peu plus du soleil.

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J'abandonne l'idée de Rjupnafell demain et de sa traversée vers l'est à cause du brouillard et décide d'un itinéraire plus tiède le long de la Krossa. Tant pis mais il faut s'adapter à la situation. C'est con de pas avoir eu le beau temps de la veille.

Le repas et le sommeil sont parfaits après cette journée riche en émotions.

Publié dans islande

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