12/08 au 14/08: Nice - Londres - Reykjavik - Akureyri - Myvatn - Quelque part

Publié le par bigfoot

Ou comment aller de là à là?

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Qu'est ce qui fait qu'un esprit supposé sain puisse aller en deux jours d'agitation qui relèvent sans doute de la psychiatrie aller se compromettre dans une telle situation?

Pourquoi quitter les si belles montagnes du Mercantour au coeur desquelles j'habite pour aller planter la tente dans un endroit aussi inhospitalier?

 

Pourtant, lors de la préparation de ce voyage, je n'avais pas du tout planifié ce type d'expédition. J'étais dans l'idée d'une découverte toute calme et contemplative de ce que l'Islande offre de plus beau. Le sud, rien que le sud à un rythme de sénateur.

Et puis un matin, début juillet, je me suis réveillé avec l'idée que je voulais affronter le désert.

 

Comme chaque année, je bâtis un voyage autour de Langisjor et des Fögrufjoll et au dernier moment, et même souvent sur place pendant le parcours, je change d'itinéraire pour éviter de rejoindre ce lac magique.

Langisjor me rappelle les booms de mon adolescence. Au fond du garage du copain, aux murs tapissés de boites d'oeuf et au sol constellé des taches d'huile du moteur pourri de la samba de son père, il y'a la plus belle fille de la soirée. Tu pars gonflé à bloc vers elle pour l'inviter à danser un slow sur fond de "still love in you" de Scorpion. Plus tu t'approches d'elle, plus tu la trouves belle, moins tu te sens à la hauteur et à deux mètres du but, tu dévies vers la table sur tréteaux pour piocher des chips dans le bol et siffler un verre de punch sans rhum aromatisé au tang orange (en principe, gauche comme j'étais et troublé par cette présence, je faisais s'effondrer la table sur la dite beauté)

 

J'ai le sentiment que Langisjor sera la dernière chose que je verrai en Islande. Cet endroit m'intimide. Trop beau pour moi, je n'ose pas m'en approcher. Alors il y'a toujours un prétexte pour aller ailleurs...

 

Je me suis donc réveillé début juillet avec cette envie de désert. Le beau était devenu superflu. Ce dont j'avais envie, c'était de me confronter avec moi même. Je ne pouvais expliquer ce besoin à mes proches. J'en étais incapable, et puis ne les aurai je pas inquiéter en leur expliquant que j'y allais pour éprouver mes limites, sceller définitivement le choc psychologique de mon accident rénal de l'an dernier. 

Et il me fallait une terre nue, neuve, encore dépourvue de son écrin de verdure.

Peu importe qu'il s'agisse de sable, de roche, de lave, de glace ou de neige, il me fallait un terrain vierge, sauvage, violent... Et si le ciel au-dessus pouvaut se mettre au diapason, celà n'en serait que mieux.

 

Et quel meilleur endroit pour ça que le désert vers Askja?

 

Sauf qu'en ce qui me concerne, pour affronter des terrains aussi hostiles, j'ai besoin de mécanismes particuliers, et notamment des sentiments négatifs tels que colère et frustration.

Généralement, je pars au début des vacances... Départ direct de l'usine. Pas le temps de gamberger, de cocooner. Je passe instantanément d'un environnement violent à un autre. Il s'agit juste de basculer de l'un vers l'autre, c'est très simple.

 

Cette année, je pars en fin de vacances... 15 jours d'attendrissement avant, manger à s'en faire péter la panse des mets tous plus succulents les uns que les autres, ronronner avec Patricia, materner les enfants (certaines mauvaises langues diront que j'abuse un peu là, mon côté maternel en étant encore à l'état embryonnaire)... enfin prendre le temps de vivre, de ne rien faire, juste de glander et laisser le temps au temps...

 

Donc en ce 12 aout, au moment de partir, je ne suis absolument plus certain d'avoir envie de partir en Islande. J'ai des doutes, comme tous les ans certes (cf tous mes autres voyages), mais cette fois, il ne s'agit pas d'une histoire de choix d'itinéraire. Carrément je doute de mon envie d'aller en Islande. Je sais que je vais en prendre plein la figure et je ne suis pas prêt psychologiquement, la carapace mentale n'est pas en place.

 

On verra bien, me méthodecoué-je, tandis que je regarde la clio de Patricia s'éloigner sur le kiss and fly du terminal 2 de l'aéroport de Nice après un dernier kiss. J'ai plu qu'à fly maintenant.

 

Nice - Londres... nickel.

Londres - Reykjavik... ça merdoit comme d'hab avec Iceland Express et deux heures de retard. Je finis mon premier bouquin "l'évangile selon pilate" dans la sale d'embarquement.

Le fly-bus pour le camping est au diapason (on ne risque pas de se retourner sur la rocade) et je me glisse donc dans le duvet à 3h du mat.

9h, je loupe le bus pour BSI de 10 secondes. On est samedi, je dois attendre une heure de plus le suivant.

BSI - aéroport domestique en 20 minutes à pied... Tiens, j'ai beau ne pas avoir amener mon trimaran cette année, le sac pèse quand même encore pas mal...

 

Reykjavik - Akureyri... Super décollage, grand soleil, je profite du paysage et me dis que s'il fait beau dans le sud, c'est sans doute moisi dans le nord... Au moins je profite du Snaefellsjökull au fond.

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En effet, en arrivant sur le Langjökull, les nuages s'accumu(lus)lent...

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Phénomène rigolo que je n'avais jamais remarqué, l'ombre de l'avion sur les nuages...

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Plus rien à voir désormais, il est temps d'atterir (et pour ceux qui sont nostalgiques de la langue d'écouter les consignes de l'hotesse de l'air).

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A partir de maintenant, je ne le sais pas encore mais je ne verrai plus jamais le soleil.

Il est 12h30 lorsque j'arrive au pont qui enjambe le fjord à Akureyri.

Un bon gros sandwich pris au hasard à la station n°1 que je n'aime pas. J'ai pas su décrypter les ingrédients et je me retrouve à manger du cèleri rave pour la première fois depuis que j'ai quitté maman il y'a 20 ans.

 

Le stop en 5 fois pour rejoindre Myvatn avec un sale moment d'attente à Goðafoss où enfin il se met à pleuvoir pour de vrai. Les premiers qui m'ont pris (originaires de Flatey) me font passer par la vieille route et non la route 1. On s'arrête en haut d'un col pour manger des myrtilles. Très agréables mais parlent peu anglais. Idem pour les autres donc les échanges sont limités au strict minimum.

 

17h30, la tente est montée au camping de Reykjahlið.

Je suis en avance sur le programme donc j'essaie de faire avancer ma résa du bus d'Askja d'une journée ce qui fait sans problème.

Maintenant régler l'intendance et acheter pour 12 jours de savoureuses victuailles au supermarqueto d'en face.

Ne pas confondre farine et lait en poudre, éviter les peperronis que mon estomac a du mal à assimiler.

Toujours de manière scientifique et rationnelle, 12 jours de rando égalent 12 kilos de cacahuètes, chocolat, fruits secs et charcuterie sous vide (plus quelques douceurs dont on reparlera later) et 120 euros (ahhhh... les fourbes, les prix baissent pas dans le coin).

Gros problème... le gaz... y'a plus de cartouches à valve... Par contre, des systêmes camping-gaz franco-français, ça croule sur l'étalage.

Et oui, à force de lire des récits aussi précis et sensés que le mien, mes compatriotes sont passés au systême international et ont laissé tomber le bleuet. Me voilà fort marri donc de ne point avoir de gaz.

 

J'ai plusieurs solutions... manger mes lyopholisés froids... agresser une petite vieille dans la rue et lui dévaliser son cabas... faire des feux de bois dans le désert (très bonne option)... ne camper que sur des sources chaudes...

Je tente le camping pour savoir s'ils ont pas des bidules à vendre qui pourraient me sauver la vie (au moins). Ca me gonfle d'une force ce genre de contre temps, d'une force mais d'une force... au moins ça me motive pour me casser au plus vite loin de ces contingences insupportables.

 

Le gérant de ce camping m'a toujours donné une impression mitigée. Je le sens plutôt margoulin. Grand, un peu vouté, la mèche rebelle, les yeux toujours mi-clos, un demi sourire toujours affiché, il est dans sa partie de la journée écoute des plaintes et desideratas des français. Et ça n'a pas l'air d'être ce qui l'amuse le plus.

En fait sa passion, j'ai remarque par le passé, c'est de tondre le gazon par tout temps et d'énerver les mouches qui y sont tranquillement en train d'y faire la sieste. C'est aussi d'arroser tous les endroits non occupés par une tente, peu importe qu'il pleuve ou pas.

 

Donc, devant moi un couple dont la femme s'est fait fauché son pantalon de montagne qui séchait sur l'étendoir. Ils ne réclament autre chose que d'avoir un document pour essayer de faire valoir leurs droits à l'assurance au retour (ils ne se plaignent pas de la responsabilité du camping). le type refuse, toujours avec cette voix douce un peu à la Droopy et leur sort la phrase qui tue: soyez heureux dans votre vie et votre pantalon reviendra.

A moi et mes problèmes énergétiques... Il m'amène dans sa remise et me montre la cartouche de gaz ad-hoc... On la remue et il estime qu'elle est à moitié pleine (moi plus qu'à moitié vide)... On en convient alors qu'il y'a un tiers dedans... Vu le prix en vente estimé (à 50% près), il me la cède pour 2000 krs (il est fort en affaires le mec)... et il ajoute... Alors, heureux maintenant?

J'ai une pensée négative de la lui faire manger pendant un court laps de temps mais bon, j'aurais du mal à ce moment là à la récupérer d'ici demain matin.

M'étonnerais que je tienne 12 jours avec le peu que j'ai. Me rends ensuite à la cantoche pour voir si je trouverais pas un brave samaritain pour me fourguer une de ces bonbonnes et je retombe sur mes deux de tout à l'heure qui m'en cèdent une toute neuve (c'est vachement simple en fait). Ils rentrent à pied d'Askja par le chemin que j'avais pris en 2007. Ils n'ont pas eu une goutte de pluie en 4 jours.

Ok, j'ai compris... Je voulais que Zeus (plutôt Þor en Islande) se déchaîne. Il a donc attendu que j'arrive pour ouvrir les vannes. Et il fait pas semblant l'animal. Il tombe des cordes toutes la nuit. Le vent se renforce. 

A 7 heures du matin quand je plie boutique pour rejoindre le bus d'Askja, il fait seulement 4°C ici à Myvatn. Je suis sûr qu'il neige plus haut dans l'intérieur.

Et ça ne le fait vraiment pas pour affronter les pentes et les falaises du sud de la caldeira de l'Askja en solo.

Je comprends pourquoi ça a été si simple de changer ma résa. Le bus n'est qu'à moitié plein alors qu'il était bondé les autres fois où je l'ai pris en 2008 et 2010.

 

Parcours et arrêts désormais habituels pour moi. L'arrêt d'Herdubreiðarlindir me confirme que je ne suis vraiment pas dans le trip. J'ai vraiment froid, incapable de me réchauffer alors que j'ai la prétention de ne vraiment pas être sensible au froid. Je me sens incapable d'affronter ce qui m'attend maintenant dans une paire d'heures. Un regard sur la montagne juste au-dessus dans une légère trouée dans la grisaille ma la fait découvrir toute blanche. L'Askja est encore plus haut. Il sera vraiment enneigé.

 

D'un coup, je prends la décision d'abandonner cette partie du voyage. Il n'y a pas de sens à monter à un sommet pour en rien y voir et de prendre des risques dans des pentes aussi soutenues. Je demande au chauffeur de me laisser au croisement qui va vers Kverkfjöll.

De la piste pourrie mais au moins, je pourrai rentrer en douceur dans la violence (je suis fort en oxymores) qui m'attend.

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Ah oui, avant de poursuivre...

Cette année, je ne précise pas les étapes et le parcours décidé à l'avance... je ménage mon suspens... idem, je ne mets pas de cartes (certains points que j'ai envie garder flous géographiquement) mais pourrai sur demande préciser certaines parties.

Autre chose, je pense beaucoup à mon lectorat féminin. On m'a expliqué qu'hommes et femmes avaient une lecture différente de la carte et de la façon d'aborder la construction d'une sortie. L'homme serait dans une projection spatiale de la carte avec une vision globale de l'objectif terminal. La femme serait plus dans une projection séquentielle avec des étapes très clairement définies sur le chemin.

Je vais donc essayer en début de chaque article de poser des jalons clairs du programme.

Ici par exemple... Objectif Kverkföll, suivre la route...

C'est vachement simple d'être une femme en fait.

 

Il tombe des cordes quand je descends du bus. L'accompagnatrice me demande si je suis vraiment sûr de moi... Franchement non, pas du tout mais alors pas du tout... mais il est hors de question maintenant de se dégonfler. C'est l'heure des braves, il faut y'aller.

Le désert, j'y suis presque (je suis sur une des routes les plus fréquentées du centre de l'île). 1 litre d'eau d'avance. Kverkfjöll à 60 bornes... Ca fait pas lourd, du 0.4 litre au cent environ... Le souvenir cuisant de mes calculs de l'an dernier est toujours là. Il me faudra trouver une solution d'ici le refuge.

La piste en courant (en exagérant un petit peu)... premières tranches de salami sous Uptypingar (au fond).

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Petit instant de plaisir pour le dingue d'eau déchainée que je suis, la traversée de la Jokulsa à Fjollum sur le pont.

Pas forcément ici que je vais pouvoir me ravitailler en eau potable.

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Très vite (en exagérant un peu là aussi), la bifurcation vers kverkfjöll sur la f902...

C'est là que je rentre déjà en conflit avec le raisonnement féminin sus-dit.

Il est hors de question de suivre la piste désormais maintenant que l'obstacle jokulsa est franchi. Il y'a à 20 km vers le sud-est une oasis de verdure dans le désert, Hvannalindar, où je pourrai me ravitailler en eau pour repartir d'un bon pied demain matin.

Donc désolé pour le plan établi précédemment, on va tirer droit dans les kékés (désolé pour le terme, j'ai fait la guerre plus jeune...)

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Oui bon, pas les kékés... le kéké...

Et le chemin continue, toujours aussi agréable, aussi plaisant vers le sud-est (Kverfjöll est plein sud). Fondamentalement, je m'éloigne pas trop.

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45 bornes dans la journée pour joindre Hvannalindar, surtout en se faisant larguer à midi, c'est long.

Très long... Il faudrait vraiment que la fille de la boom soit au bout pour me pousser à avancer encore...

3km, il me manque 3km de volonté pour arriver à l'eau. Je m'effondre dans un petit coin de paradis... rappelez vous, la photo du début...

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Bon la vue est pas mal quand même, non?

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Je peux même donner les coordonnées de cet endroit de rêve... N64°54'672 W16°18'443 (WGS84)

Demain, promis, je remets sur les bons rails.

Publié dans islande

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V
C'est pas cool !<br /> Je m'explique : on a décidé avec Fabien de retourner en Islande l'été qui vient et d'aller jusqu'au lac Langisjor et je comptais bien te demander des renseignements persuadée que tu devais<br /> connaître le coin par cœur... perdu...<br /> Si toi tu sais pas, à qui va-t-on pouvoir demander comment ça passe entre la faille de l'Eldgia et le lac ??? Va falloir qu'on se fie aux cartes islandaises, si détaillées, si précises... :-(
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B
<br /> <br /> Attends quelques jours (semaines) et tu seras comblée.<br /> <br /> <br /> je suis passé par là à l'acte II de mon voyage cette année.<br /> <br /> <br /> mais pour la partie que tu demandes, tu risques d'être déçue puisque j'y suis passé dans un brouillard d'anthologie, donc je ne pourrai pas t'en dire grand chose.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
V
<br /> J'adore quand tu prends soin de ton lectorat féminin...<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> je fais de mon mieux... même le sacrifice de mon corps, tu te rends compte?<br /> <br /> <br /> <br />