03/08: le long de la Kaldakvisl (Sprengisandur)
Réveil sous un temps plus que correct.
Du bol donc, en une semaine, je n'ai vraiment pris cher que hier en fin de journée, et encore, si je repense aux premiers jours du voyage de l'an dernier, c'est peanuts.
Ce qui est bien quand on a bivouaqué au bord d'un coin sans intérêt, c'est qu'on démarre vite le matin. Pas envie de glander au bord d'endroits sans aucun intérêt.
Amusant comme la surface du marais a diminué avec l'arrêt de la pluie.
Aujourd'hui...
Hier soir...
Ca y'est, je suis dans l'endroit que j'appréhende le plus de mon voyage. Hier soir je suis déjà bien rentré dans ce fichu désert de sable gris sans intérêt visuel qu'est le Sprengisandur.
J'en ai pour deux jours maintenant pour m'en échapper.
Ma variante par l'est devrait quand même briser un peu la monotonie.
Objectif principal du jour: traverser la Kaldakvisl. Je ne sais pas du tout à quoi m'attendre comme type de rivière.
Je n'ai trouvé aucune photo de cette rivière sur le web.
Je sais juste que c'est un monstre, terrible et implacable, qui ne relache jamais ses proies. Personne n'en est jamais revenu... Oui, bon, encore, c'est un peu normal que personne n'en revienne puisque personne n'y va.
Je pourrais faire dans le dramatique, vanter mes exploits, mon courage d'aller défier Cerbère, interdisant le passage, revendiquer mon statut de Thésée moderne...
Non non, je suis modeste... Je suis juste un aventurier moderne, Livingstone aux sources du Nil, un homme simple sans prétentions...
Je n'aime pas les pistes, vous le savez. Livingstone marchait-il sur les pistes quand il traversa le Soudan du XIX° siècle?
Non, il traversa des marécages pendant des semaines...
Pareil pour moi, au moins cinq minutes...
Et si on revenait sur la piste......
Surtout il faut avancer, toujours cette obsession de rattraper ma demi-journée de retard.
Et le lac sous le soleil n'est plus aussi démoralisant que hier soir.
Rejoindre le volcan Syðri-Haganga...
En face, sur l'autre rive dans les champs de lave, quelques installations géothermique avec Vatnajökull en fond.
En se retournant vers le nord, dernières vues sur Vonarskarð tout au fond...
Un temps l'idée de mettre le raft à l'eau me passe à l'esprit mais quel est l'intérêt de pagayer là?
Je pourrais traverser le lac et m'éviter ainsi la difficulté de franchir la Kaldakvisl déchainée plus en aval. En effet, le lac Hagongulon est à la confluence entre les deux monstres que sont la Sveðja et la Kaldakvisl. Au delà, la rivière fait blanchir les cheveux des Islandais... Pour la franchir, il faut ensuite aller jusqu'au pont de la route du Sprengisandur à Þorisvatn 40km plus loin.
Longer le Syðri-Haganga sans perdre d'altitude sur des pentes caillouteuses extrêmement désagréables et des vues sans intérêt. La progression est barrée au sud par un ravin que je n'imaginais pas aussi profond à la lecture de la carte.
Facile à descendre de mon côté, il faut chercher un passage dans une faille de l'autre côté entre de belles séries d'orgues basaltiques.
Mais avant de remonter, je trouve que l'endroit est très agréable pour la pause p'tit déj...
Un peu d'eau stagnante, à l'abri du vent, de la verdure et un peu de chaleur en Islande = mouches...
Pfffff...
Tiens, ça y'est, j'ai la tronche du gars bien démonté pour la première fois depuis le début...
Il faut maintenant traverser un dernier champ de lave pendant deux km avant d'arriver à la Kaldakvisl: Hagonguhraun (toujours cette originalité des noms dans le quartier après haganga nord et sud, hagongulon et hagongudalur).
C'est le plus spectaculaire et le plus dur à franchir depuis le début.
Beaucoup d'oiseaux... plus de mouches du tout... c'est amusant même si je sens que c'est destructeur pour mes semelles. Progression labyrinthique. Beaucoup de temps pour franchir ces deux derniers km.
Notez le mimétisme du mec... Tel un phasme dans une haie de pyracanthas...
Ces trucs là à franchir, ça fait pas rire du tout (hormis les oiseaux, je remets pas le player de la compagnie créole, j'ai peur de la lassitude de mes lecteurs et puis va y'en avoir un nouveau dans pas longtemps)
Vers la fin de ce champ de lave, je commence à entendre un sourd grondement... C'est le bruit de la rivière au loin. Je n'arrive pas à deviner le lit au milieu de ce chaos incroyable.
Brutalement, en même temps que j'en sors, je tombe sur le lit de la rivière. Et là...
Suspense...
Pour vous faire patienter, le tableau d'un chien à l'arrêt devant un gros z-oiseau... non? où c'est moi qui commence à avoir de la fièvre, signe précurseur d'un soucis postcurseur qui sera bientôt relaté?
Fin du suspense...
Euh...
Ca le fait pas du tout.
J'ai tout à coup beaucoup moins envie de mettre le raft à l'eau, on se demande pourquoi...
Bon, ok, je crois qu'on va prendre le pont......
Je crois que j'ai des petits problème d'itinéraire.
Alors là, non, ça le fait pas...
Là non plus...
Bof...
Pas vraiment des cascades, mais de sacrées rampes lorsque des coulées de lave ont resserré le lit.
Au moins j'avance bien vers l'ouest.
Cette rivière est vraiment très très impressionante.
La rivière se dédoublait là. Beaucoup moins de courant, j'ai loupé une fenêtre...
D'un autre côté, il fallait faire vite parce que juste après, voyez plutôt...Amusant arc en ciel sur le Syðri-Haganga.
Dans un petit moment, je vais avoir une sacrée surprise
Suspense...
Comme d'hab, une photo du petit bestiaire des champs de lave pour patienter. Moi, je vois un fourmilier...
Suspense toujours...
Je quitte le bord de la rivière pour aller plus vite... De suite, c'est beaucoup moins photogénique...
J'arrive de nouveau au bord de l'eau...
Gros encaissement. Magnifiques orgues sur la droite.
Ca ne le fait absolument plus pour la traverser
Si j'étudie un peu la carte, il me reste une dernière chance, il semblerait qu'elle s'ouvre dans un marais dans quelques kilomètres. C'est là où jamais que je pourrai la traverser avant le pont. Et ce pont, l'utiliser serait un échec pour moi. Il faut que je passe par mes propres moyens.
Je note également une cabane sur la carte à la sortie de ce même marécage, toujours en rive droite.
J'ai bien envie de dormir dans le dur ce soir, histoire de changer de la tente... Je rentre les coordonnées approximatives à la one again dans le gps pour savoir combien j'ai à faire pour atteindre mon petit nid douillet.
18km... Ah ben oui...Il est 16h00... A mon rythme dingue de 2km/h, je susi presque arrivé.
Allez, je tente, passage en mode rapide...
Et le pire, c'est que ça marche... Mais ma santé mentale va en prendre un sacré coup...
La kaldakvisl devient de plus violente... Oui, c'est vraiment un monstre...
On est au-delà de l'encaissement, je domine maintenant une vraie gorge.
Par contre, il n' y a pas de cascades dans cette zone. Je suis persuadé que des kayakistes très expérimentés pourraient s'engager là dedans. Ca doit être une descente mythique (bon, j'ai pas exploré tous les méandres...)
Ce canyon va durer plusieurs km à ma grande surprise. Je ne m'attendais pas du tout à ça...
A ma droite, c'est le Sprengisandur... Je m'attendais complètement à ça. Tout au fond, première vue sur le Hofsjökull, glacier où j'ai vécu ma première expérience sur glace. La montagne, c'est Arnarfell, c'est juste en dessous que j'avais bivouaqué. J'aime bien me remémorer ces moments quand je marche. J'ai alors l'impression de bien connaître le pays, d'en faire un tout petit peu partie.
Les gorges deviennent incroyables. Elles m'impressionnent peut être autant que les gorges du Verdon. C'est peut être l'émotion liée à la solitude qui magnifie les lieux...
Des parois d'une centaine de mètre de haut.
J'essaie régulièrement de marcher au plus près des falaises mais il faut que j'aille droit pour rejoindre cette cabane avant que la nuit ne tombe. Aussi je fais de grands droits à travers les plaines sableuses. Il cmmence à bruiner un petit peu.
C'est terrible... Heureusement cette rivière fabuleuse.
Ma santé mentale commence à être bien éprouvée...
Dommage pour cette photo, je l'aime bien celle-là mais je ne me tiens pas assez près du bord...
Faut retourner dans les sables...
J'y deviens fou... Quelques exercices d'assouplissement...
Je tente le poirier pour faire redescendre le sang dans le cerveau.
C'est pas simple d'être au sommet du poirier au bon moment avec le retardateur.
Trois essais... Un coup trop tôt, un autre trop tard, et un autre j'ai les fesses trop lourdes pour les lever...
J'aimais bien la toile de fond pour me livrer à cet exercice crétin...
Retour au bord de l'eau... Enfin presque...
Sortir des gorges. Refaire un bout de désert...
Repérer les marais au fond, signe de la fin des gorges.
Physiquement ça devient dur... Mais ça devient bon. Les gorges sont terminées.
L'entrée des marais... La pluie se renforce... Contrôle au gps de la position de la cabane... Encore 6km...
Plus la foi... Je me pose au bord de l'eau...
Demain, je me mets à l'eau pour traverser ici, le courant est moins fort. Même, je tenterai de descendre plusieurs km sur l'eau si le lit reste aussi facile.
Il est 20h00 au moment où je dresse la tente (tiens, j'ai oublié de photographier le bivouac... mais ça ressemble un peu à celui de hier soir)...
la carte...